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Vers le génocide nazi

Réalisé par le Musée, ce film offre un aperçu concis de la Shoah et des événements qui l’ont rendu possible. Utilisant des séquences historiques rares, le documentaire décrypte l’ascension progressive des nazis, leur mainmise sur l’Allemagne, l’idéologie raciale, la propagande, la persécution des Juifs et d’autres victimes. Il retrace également le chemin emprunté par les nazis qui conduisit le pays à la guerre. Il montre comment, avec l’aide de leurs collaborateurs, ils massacrèrent des millions de personnes – et assassinèrent systématiquement 6 millions de Juifs. Cet outil de 38 minutes a pour but de susciter la réflexion et la discussion sur le rôle des gens ordinaires, des institutions et des nations entre 1918 et 1945.

Les sous-titres en Arabe, Chinois, Anglais, Français, Russe et Espagnol ont été réalisés en partenariat avec le Holocaust and the United Nations Outreach Programme.

Ce film est destiné à un auditoire adulte, mais certaines séquences peuvent convenir à un jeune public.

Transcript

NARRATEUR: Paris, 1900

Plus de 50 millions de personnes venues du monde entier ont visité l’Exposition universelle – exposition mondiale qui visait à générer une plus grande entente et davantage de tolérance entre les nations – et à célébrer le nouveau siècle, de nouvelles inventions, le PROGRÈS

Le XXe siècle a commencé à beaucoup d’égards, comme le nôtre – avec l’espoir que l’éducation, la science et la technique puissent créer un monde meilleur, davantage épris de paix.

Ce qui a suivi, peu après, ce furent deux guerres dévastatrices.

VERS LE GÉNOCIDE NAZI

NARRATEUR: La première « guerre mondiale », de 1914 à 1918, a eu pour théâtre l’ensemble de l’Europe, jusqu’à déborder ses frontières.

Elle est communément appelée la « der des ders ».

Elle a jeté une ombre immense sur la vie de dizaines de millions de gens.

« Ceci n’est pas la guerre », écrivait un soldat blessé dans une lettre à sa famille; « c’est la fin du monde ».

La moitié des Français âgés de 20 à 32 ans au début de la guerre étaient morts quand elle prit fin.

Plus d’un tiers de tous les Allemands âgés de 19 à 22 ans ont été tués.

Des millions de combattants en sont revenus mutilés dans leur chair et dans leur âme.

Le recours au gaz de combat fit partie des progrès techniques de tuerie.

Sous la pression d’un carnage qui n’en finissait pas, les gouvernements s’effondraient et les grands empires se désagrégeaient.

C’est un cataclysme qui a jeté une ombre sur la vision que l’humanité avait du monde et de son avenir.

La guerre, a dit Winston Churchill, a laissé derrière elle « un monde mutilé, brisé ».

LES LENDEMAINS DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE ET LA MONTÉE DU NAZISME 1918-1933

NARRATEUR: L’humiliation de la défaite de l’Allemagne et l‘accord de paix qui a suivi en 1919 allaient jouer un rôle important dans la montée du nazisme et l’éclatement d’une seconde « guerre mondiale » à peine 20 ans plus tard.

Ce qui avait choqué tant d’Allemands dans le traité signé près de Paris, dans le Château de Versailles, c’était que les vainqueurs dictaient à l’Allemagne un avenir dans lequel elle était privée de tout pouvoir militaire significatif.

Son territoire était réduit de 13 %.

L’Allemagne fut contrainte de reconnaitre sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre et à payer de lourdes réparations.

Pour beaucoup, notamment pour l’ancien caporal d’armée âgé de 30 ans, Adolf Hitler, c’était comme si l’Allemagne avait « été poignardée dans le dos », trahie chez elle par des éléments séditieux et par un gouvernement qui acceptait l’armistice.

En fait, le pouvoir militaire allemand avait discrètement recherché une fin à une guerre qu’il ne pouvait désormais plus gagner en 1918.

« Il ne se peut pas que deux millions d’Allemands soient tombés en vain », a écrit plus tard Adolf Hitler.

« Nous réclamons vengeance ! »

Beaucoup d’anciens combattants et d’autres citoyens avaient du mal à comprendre la défaite de l’Allemagne et l’avenir incertain qui se profilait.

Les soldats passaient des champs de bataille où ils avaient livré de sanglants combats à une société désorientée.

Une nouvelle forme démocratique de gouvernement dont ils étaient peu familiers – la République de Weimar – faisait place à un empire autoritaire et se trouvait immédiatement confrontée à des défis proprement gigantesques.

Des milliers d’Allemands devaient faire la queue pour obtenir du travail et de quoi manger au début des années vingt.

Les classes moyennes avaient vu leurs économies fondre comme neige au soleil et une inflation galopante ôtait toute valeur à la monnaie.

[460 milliards de Marks]

Certains la brulaient comme combustible.

La situation économique s’est stabilisée pendant quelques années, puis il y eut la crise économique mondiale de 1929.

Le système bancaire allemand s’est effondré et, en 1930, le chômage atteignit 22 %.

Dans un pays frappé par le fléau du chômage, aigri par la perte d’une partie de son territoire et démoralisé par l’incompétence de son gouvernement, les manifestations politiques tournèrent souvent à la violence.

De nombreux partis politiques avaient leurs propres unités paramilitaires pour combattre leurs opposants et intimider les électeurs.

En 1932, 99 personnes ont été tuées dans la rue en un seul mois.

Propagande et manifestations d’extrême droite jouaient sur la peur de voir le pays gagné par une révolution communiste venue d’Union soviétique.

De nouveaux problèmes sociaux virent le jour sous l’effet d’une industrialisation rapide et de la croissance des villes.

Les normes de conduite changeaient.

La criminalité augmentait.

Les normes sexuelles évoluaient.

Pour la première fois, les femmes étaient nombreuses à travailler en dehors de leurs foyers et la nouvelle constitution leur donnait le droit de vote.

La jeune démocratie allemande était rudement mise à l’épreuve par l’effondrement des vieilles valeurs et la crainte de ce que pourrait être l’avenir.

Adolf Hitler avait été le chef incontesté du Parti national socialiste des travailleurs allemands – ou nazis – depuis 1921.

En 1923, il avait été emprisonné pour tentative de renversement du gouvernement.

Son procès lui apporta célébrité et des partisans.

Il utilisa le temps de son incarcération pour écrire ses idées politiques dans un livre, Mein Kampf – Mon Combat.

Les objectifs idéologiques d’Hitler comprenaient l’expansion territoriale, la constitution d’un État racialement pur et l’élimination des Juifs d’Europe et autres ennemis considérés comme tels par l’Allemagne.

Il ne purgea qu’une courte peine de prison et, après que son parti national socialiste eut recouvré droit de cité, Hitler et ses partisans reprirent le combat dans les rues et à la campagne.

Le parti nazi recruta, s’organisa et créa un journal afin de répandre son message.

Tout en minimisant les objectifs nazis les plus extrêmes, ils proposaient des solutions simples aux problèmes de l’Allemagne, exploitant les peurs du peuple, ses frustrations et ses espoirs.

Au début des années trente, les élections se suivaient à un rythme étourdissant, tout comme l’était le nombre des partis et des groupuscules qui essayaient de se faire élire.

Hitler se révéla être un militant charismatique et il eut recours aux outils les plus récents de la technique pour toucher les gens.

Le parti nazi s’assura un large soutien, – notamment au sein de la classe moyenne, – d’intellectuels, de fonctionnaires, d’étudiants, de membres de professions libérales, de petits commerçants et d’employés de bureau ruinés par la crise économique.

Mais les nazis n’obtinrent jamais plus de 38 % des voix dans des élections nationales libres.

Aucun parti ne put obtenir une nette majorité et, sans consensus politique, les gouvernements qui se succédèrent au pouvoir ne pouvaient gouverner efficacement le pays.

Adolf Hitler n’a pas été élu et il n’a pas eu à prendre le pouvoir.

On lui a offert un marché au moment où les nazis commençaient à perdre des voix.

En janvier 1933, quand le vieux héros de la guerre, le Président Paul von Hindenburg, proposa à Hitler le poste de chancelier dans un gouvernement de coalition, les nazis eurent du mal à y croire.

Les nazis étaient des révolutionnaires qui voulaient transformer radicalement l’Allemagne.

Les conservateurs du nouveau Cabinet n’aimaient pas Hitler, mais aimaient encore moins la démocratie et ils voyaient dans les partis de gauche une menace plus grande encore.

Ils s’entendirent avec les nazis pour constituer une majorité au parlement.

Ils étaient convaincus de pourvoir contenir Hitler.

Un mois plus tard, après qu’un incendie volontaire réduisit en cendres l’immeuble du parlement allemand, Hitler et ses partisans de la coalition nationaliste saisirent leur chance.

Exploitant la peur largement répandue d’un soulèvement communiste, ils mirent l’incendie sur le compte des communistes et déclarèrent l’état d’urgence.

Le Président Hindenburg signa un décret qui suspendait tous les droits civils et toutes les protections constitutionnelles de base, ouvrant la porte à des actions arbitraires de la police.

[Gazette de Droit du Reich]

Les premières cibles du nouveau gouvernement furent les opposants politiques.

En vertu du décret d’urgence, on pouvait alors les terroriser, les tabasser et les maintenir en détention indéfiniment.

Les dirigeants des syndicats et des partis d’opposition furent arrêtés.

Les pouvoirs publics envoyèrent des milliers – notamment des parlementaires de gauche – dans des camps de concentration récemment créés.

Malgré la terreur nazie et l’élimination brutale de ses opposants, de nombreux citoyens allemands n’hésitèrent pas à accepter, voire à soutenir activement ces mesures extrêmes en échange de l’ordre et de la sécurité.

Beaucoup d’Allemands sentirent naitre en eux espoir et confiance dans l’avenir de leur pays sous l’égide d’un jeune et ardent chef charismatique.

Le chef de la propagande nazie Joseph Goebbels nourrissait l’intention de gagner à la cause nazie ceux qui n’étaient pas encore convaincus.

GOEBBELS: [en allemand] Il faut bien gouverner, et pour bien gouverner, il faut une propagande efficace. Cela va ensemble. Un bon gouvernement sans propagande n’est pas plus possible qu’une bonne propagande sans un bon gouvernement.

NARRATEUR: Hitler s’adressa aux SA – son armée de soldats d’assaut.

HITLER: [en allemand] L'Allemagne s'est réveillée ! Nous avons remporté le pouvoir en Allemagne. A présent, nous devons gagner le peuple allemand.

CONSTRUIRE UNE “COMMUNAUTÉ NATIONALE”

NARRATEUR: La cérémonie de réouverture du parlement – orchestrée par Joseph Goebbels – visait à lier le gouvernement d’Hitler au passé impérial de l’Allemagne et à présenter les nazis comme les sauveurs de l’avenir de la nation.

La cérémonie fut soigneusement mise en scène de manière à rassurer l’establishment allemand – et notamment les militaires – qu’Hitler respecterait leurs traditions.

Les actualités sous contrôle nazi donnaient alors l’impression que l’armée soutenait le nouveau gouvernement.

Hitler continuait à donner le pas au Président de longue date Hindenburg, mais le nouveau chancelier n’allait pas tarder à devenir dictateur absolu de l’Allemagne.

COMMENTATEUR: La journée d’aujourd’hui a été consacrée à la Nouvelle Allemagne.

Et plus de cent mille écoliers se sont tenus debout, épaule contre épaule, tandis que la voiture du vieux Président et du Chancelier s’avançait à travers la foule vers la tribune.

Que vous acceptiez ses idées ou non, il faut admettre que sous la direction d’Hitler le peuple allemand s’est trouvé uni pour la première fois depuis la guerre.

Leur enthousiasme quasi-fanatique fait l’admiration du monde entier…

NARRATEUR: Hindenburg est resté Président jusqu’à sa mort en août 1934.

Hindenburg parti, Hitler – par un accord avec l’armée – supprima la fonction de Président, se déclarant Führer et Chancelier du Reich, dirigeant de la nation et chef du gouvernement.

Il n’y avait plus aucun autre pouvoir, ni au-dessus de lui ni à ses côtés.

Immédiatement, les forces armées prêtèrent serment d’allégeance à Adolf Hitler.

FOULE: [en allemand] Je jure au nom de Dieu de respecter le serment sacré de fidélité absolue au Führer Adolf Hitler.

NARRATEUR: Tous les fonctionnaires, membres du corps enseignant et de la police, membres du parlement et du judiciaire, prêtèrent un serment d’allégeance – non à une quelconque constitution – mais à Hitler en tant que Führer de la nation allemande.

L’économie avait touché le fond lorsque les nazis arrivèrent au pouvoir.

Ils en stimulèrent la reprise à coup de grands projets de travaux publics pour les chômeurs.

ACTUALITÉS: [en allemand] Un demi-million de camarades ont retrouvé du travail cette année. Depuis la prise de pouvoir, le chômage a diminué de plus de moitié.

NARRATEUR: Hitler baptisa triomphalement de nouvelles autoroutes dans un déploiement de volonté nationale qui unirait le pays et faciliter l’expansion secrète des forces armées de l’Allemagne.

En 1935, l’Allemagne dénonça ouvertement le traité de Versailles de 1919 en rétablissant le service militaire et en augmentant sa puissance militaire.

Les nazis se montrèrent fidèles à leurs promesses de redresser et renforcer la nation.

Leurs réalisations en incitèrent beaucoup à fermer les yeux sur la politique raciale nazie, voire à la soutenir.

En septembre 1935, le parti nazi se réunit à Nuremberg pour son rassemblement annuel, qui commença par un hymne traditionnel afin de lui donner un caractère solennel et une impression de continuité avec le passé et finit par une session spéciale du parlement loin de Berlin.

De nouvelles lois raciales furent introduites par Hitler et le président du parlement, Hermann Göring, en donna lecture.

GÖRING: [en allemand] La nationalité allemande est réservée aux personnes de sang allemand ou apparentées. Les mariages entre Juifs et citoyens de sang allemand ou apparentés sont interdits. [Acclamations]

NARRATEUR: le régime nazi voulait créer une Allemagne racialement pure que des traits prétendument supérieurs rendraient parfaitement apte à régner sur tout le continent européen.

Le nazisme enseignait que la lutte des races était le moteur de l’histoire: Les races « supérieures » devaient faire la guerre aux races « inférieures » ou se laisser corrompre par elles.

La conception nazie de communauté nationale était exclusive et fondée sur la race – telle qu’elle était définie dans les nouvelles lois et autres décrets.

Heinrich Himmler et les SS menèrent la bataille idéologique.

Les idées racistes furent enseignées dans les écoles.

Certaines catégories de personnes, comme les Juifs, les Slaves, les Noirs et les Roms – aussi appelés Gitans – étaient classées comme racialement inférieures.

Les gens atteints d’incapacité mentale ou physique étaient considérés comme « indignes de vivre ».

Les scientifiques et les professionnels de la médecine appliquaient des théories pseudo-scientifiques pour mesurer et évaluer les caractéristiques raciales.

[Film de propagande nazi]

DE CITOYENS À PARIAS

NARRATEUR: Avant la prise du pouvoir par les Nazis, les Juifs jouissaient de tous les droits de citoyenneté en Allemagne.

Après 1933, le gouvernement allemand les a progressivement exclus de la vie publique et de l’éducation publique.

L’existence d’écoles privées juives de création récente assura à certains un environnement scolaire où se sentir en sécurité.

En 1938, les autorités allemandes avaient isolé et marginalisé les Juifs, les chassant des professions libérales et leur enlevant la plupart des possibilités qu’ils pouvaient avoir de gagner leur vie.

[Reservé aux Aryens Reservé aux Juifs ! Docteur aryen Médecin généraliste aryen]

SOUVENIRS DE LA JEUNESSE JUIVE

STEINHARDT: Nous nous sentions si – Pourquoi ne pouvons-nous pas en faire partie ?

Pourquoi ? Tout le monde disait « Heil Hitler » comme ceci.

Moi aussi.

Qu’est-ce que je savais ? J’avais huit ans.

Alors ma mère m’a dit « Tu n’es pas censé faire ça. »

Je lui ai répondu « Pourquoi pas ? »

Et elle a dit « On ne t’a pas dit que tu es juif ? »

J’ai dit « Oh, j’avais oublié. »

NARRATEUR: Les Juifs d’Allemagne allaient se le faire rappeler souvent.

HAUT-PARLEUR: [en allemand] Mesdames et messieurs, ceci est un boycott des magasins juifs. S’il vous plait, circulez.

STERN: Ce sentiment d’isolement qui se mit à nous gagner après 1933, progressivement et de plus en plus fortement, nous touchait aussi psychologiquement.

Nous nous savions dans un monde hostile.

[Der Stürmer 4.000 ans de guerre Les Juifs sont notre malheur!]

NARRATEUR: Entre 1933 et 1939, le gouvernement allemand promulgua des centaines de lois pour définir, marginaliser et appauvrir les Juifs allemands.

[Les bancs jaunes sont réservés aux Juifs] [Les Juifs ne sont pas les bienvenus ici] [Quiconque achète chez les Juifs est un traitre à la nation !]

HAAS: Ma sœur et moi nous avions l’habitude de nous glisser derrière ces énormes bannières déployées dans toute la ville et nous essayions de ne pas les voir, pensant que si nous ne les voyions pas, elles n’étaient pas là.

Mais elles étaient là.

Peu à peu, leur réalité s’imposait.

STREICHER: [en allemand] … sans solution à la question juive, il n’y aura pas de solution pour l’humanité.

[Connaissez-vous le Juif ?]

NARRATEUR: Le but de la propagande nazie était de diaboliser les Juifs et d’encourager les Allemands à les voir comme de dangereux éléments étrangers vivant parmi eux.

[Der Stürmer Les Juifs sont notre malheur!]

Après 1935, l’antisémitisme au quotidien a fait régulièrement partie des défilés et des chars de carnaval.

Les manifestations publiques d’antisémitisme contribuèrent à renforcer un climat d’hostilité à l’égard des Juifs ou tout au moins d’indifférence à leur traitement.

[Les menteurs de la presse internationale] [Juif]

En mars 1938, les armées allemandes entraient en Autriche.

L’Allemagne foulait ainsi aux pieds une autre clause du Traité de Versailles, la patrie d’Hitler se trouvant ainsi rattachée à l’Allemagne.

Ce fut un désastre pour les Juifs de ce pays.

En l’espace d’un an, les Nazis réalisèrent en Autriche ce pour quoi il leur avait fallu cinq ans en Allemagne.

Le 9 novembre, le parti nazi orchestrait le déclenchement d’une vague de violence anti-juive dans l’ensemble du Reich.

Ce fut une agression perpétrée au mépris de toutes les lois qui choqua le monde entier et suscita une critique du régime de la part de nombreux Allemands.

Les commerces juifs qui avaient déjà subi des agressions antisémites furent victimes d’actes de vandalisme déguisés en action publique spontanée.

Les responsables du parti nazi incitaient les SA, SS et jeunesses hitlériennes à détruire les petits commerces juifs et à mettre le feu aux synagogues.

Plus de 7 000 commerces appartenant à des Juifs furent vandalisés.

Les Allemands appelèrent ces actes de violence Kristallnacht – nuit de cristal – en raison des vitrines de magasins juifs brisés qui jonchaient les rues.

Cette vague nationale de violence endommagea ou détruisit plus de 250 synagogues.

HAAS: Après la Kristallnacht, je me souviens d’avoir traversé Berlin et d’avoir vu des synagogues en flammes, des rues jonchées de verres brisés, des gens serrés les uns contre les autres, l’air abattu.

Ils allaient et venaient comme des victimes, comme des bêtes traquées.

NARRATEUR: La police allemande emplissait les camps de concentration de milliers de détenus juifs.

Les SS ne les laissaient partir que s’ils acceptaient d’émigrer.

Mais les Juifs devaient faire face à l’existence de quotas d’immigration de plus en plus restrictifs dans la plupart des pays et à des obstacles d’ordre bureaucratique en Allemagne.

Une nouvelle loi promulguée en octobre 1938 imposait aux Juifs de remettre leurs anciens passeports, lesquels ne seraient plus valides qu’après avoir été tamponnés de la lettre « J ».

Deux mois plus tard, une autre loi interdisait la sortie de capitaux détenus par des Juifs, le Ministère de l’économie gelant tous les biens et avoirs juifs.

Beaucoup de ceux qui en avaient les moyens et qui avaient quelque part où aller essayèrent de quitter l’Allemagne.

Certaines familles envoyèrent leurs enfants seuls dans d’autres pays plus sûrs.

Elles ne pouvaient pas savoir quand le monde entrerait en guerre.

LA SECONDE GUERRE MONDIALE ET LA SHOAH 1939-1945

NARRATEUR: Tandis que le régime nazi mettait en œuvre l’objectif d’expansion territoriale qu’elle nourrissait de longue date, l’agression contre les voisins de l’Allemagne réussit au début sans rencontrer de résistance armée.

Hitler comptait sur la réticence de la Grande Bretagne et de l’Europe à intervenir par crainte d’une nouvelle guerre.

L’occupation allemande de Prague – capitale de la Tchécoslovaquie – ne laissait aucun doute quant à l’intention de l’Allemagne de se lancer dans une conquête militaire en Europe orientale.

Le 1er septembre 1939, une force allemande massive envahit et conquit la Pologne en un mois.

C’était le début de la Seconde Guerre mondiale.

En avril 1940, l’Allemagne occupait le Danemark et la Norvège.

En mai, les forces armées allemandes attaquaient la France, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique.

En juin, Paris tombait et la France déposait les armes.

La victoire rapide et inattendue qu’elle remportait sur la France vengeait la défaite et l’humiliation de l’Allemagne lors de la Première guerre mondiale.

Elle hissait Hitler à un niveau supérieur de popularité et de confiance au sein du peuple allemand.

En juin 1941, l’armée allemande – forte de plus de trois millions de soldats – envahissait l’Union soviétique pour y mener une guerre d’anéantissement avec pour cibles des dizaines de millions de civils.

Dans un climat de guerre et d’occupation militaire, le régime nazi put poursuivre ses objectifs politiques et raciaux à l’aide de mesures plus radicales.

Avec l’avancée des troupes allemandes en Europe orientale, le pouvoir de l’Allemagne put s’étendre sur des millions de Juifs de plus qui vivaient dans les territoires occupés, où les autorités allemandes pouvaient exploiter les préjugés anti-juifs qui existaient au sein des populations locales. Dans toute l’Europe orientale, les autorités allemandes regroupèrent ceux qu’elles identifiaient comme Juifs dans des endroits où les gens vivaient les uns sur les autres appelés ghettos.

Séparés de la population non-juive, les Juifs des grands ghettos vivaient emprisonnés derrière des murs de briques et des barbelés.

La poussée allemande vers l’Est était présentée comme une croisade contre le judaïsme et le communisme – pour les Nazis, deux aspects du même mal.

Les soldats et le personnel de police allemands traitaient les prisonniers soviétiques comme des sous-hommes, les assassinant ou causant délibérément leur mort en les exposant aux éléments ou en les affamant.

Des millions moururent en captivité.

Sur le front de l’Est, l’instruction en matière de politique raciale faisait partie de la formation ordinaire pour tous les types de forces allemandes d’occupation.

[Le complot juif]

Le commandant SS Heinrich Himmler disait à ses hommes de la guerre contre l’Union soviétique: « Cette invasion est un combat idéologique et une lutte des races.

Ce combat oppose, d’une part, le National Socialisme – une idéologie fondée sur la valeur de notre sang germanique, nordique…et, de l’autre , une population de 180 millions, mélange de races dont le nom même est imprononçable et dont le physique est tel qu’on peut les abattre sans pitié et sans compassion… »

En juillet 1941, Hermann Göring – commandant en second après Hitler – autorisa tous les préparatifs nécessaires pour la « solution finale de la question juive » dans le territoire européen sous domination allemande.

[… la solution finale de la question juive…]

À mesure que les forces militaires allemandes avançaient, des unités mobiles d’extermination avançaient avec elles.

L’armée allemande, les SS et les unités de police allemandes prirent activement part à ces massacres autorisés.

Les Allemands et leurs complices rassemblaient les victimes, les conduisaient à pied ou en camion jusqu’à un site d’extermination ; les faisaient souvent se déshabiller et les abattaient.

Parmi les participants aux meurtres, il y avait les collaborateurs locaux – notamment la police – lettone, lituanienne, estonienne, ukrainienne et biélorusse.

Les unités allemandes d’extermination et leurs auxiliaires assassinèrent au moins deux millions de Juifs – hommes, femmes et enfants dans des opérations d’extermination massive.

En Allemagne, les SS et la police déportèrent ce qu’il restait de Juifs dans les territoires occupés de l’Est.

Dans Varsovie sous occupation allemande, le ghetto entouré de murs dans lequel des Juifs allemands arrivèrent en 1942, était déjà un lieu de souffrance générale dû à son épouvantable surpeuplement, à l’absence d’équipements sanitaires, à la maladie et au régime de famine imposé par les Allemands.

Malgré tous les efforts des Juifs emprisonnés pour trouver de quoi subsister et faire vivre leurs communautés, ces conditions de vie menèrent à la mort des dizaines de milliers.

Les plus vulnérables étaient les enfants orphelins.

Initialement, les autorités allemandes d’occupation établirent des ghettos pour y concentrer les Juifs et les séparer de la population non-juive.

Plus tard, beaucoup de ghettos servirent de plaque tournante pour la déportation des Juifs vers l’Est, ce qui fut appelé par euphémisme « Réinstallation » par les Allemands, qui promettaient à leurs captifs de meilleures conditions de vie et des possibilités d’emploi.

Ce furent pour ces gens des souffrances inimaginables endurées pendant des transports qui duraient des jours, sans nourriture, sans eau ou sans équipements sanitaires.

Beaucoup de ceux qui étaient faibles, jeunes ou âgés mouraient avant d’arriver.

Les Allemands et leurs collaborateurs déportèrent ainsi quelque 2,7 millions de Juifs et d’autres jusqu’aux centres de mise à mort de la Pologne occupée.

Dans les camps les plus grands, comme Auschwitz-Birkenau, les transports arrivaient de toute l’Europe.

[Témoignage de Lilly Malnik, rescapée d’Auschwitz]

MALNIK: Les convois arrivaient tous les jours, débarquant des gens qui parlaient toute sorte de langues – venus de Hongrie, de Pologne, de Tchécoslovaquie, de Hollande, de France, de Belgique, d’Allemagne, d’Italie, de Russie – ils étaient de partout.

[Témoignage de Norbert Wollheim, rescapé d’Auschwitz]

WOLLHEIM: Ma femme semblait me faire signe, et c’est la dernière image que j’eue d’elle.

[Témoignage de Fritzie Fritzshall, rescapée d’Auschwitz]

FRITZSHALL: L’odeur, les chambres à gaz.

Quand j’ai demandé « Quand verrai-je ma mère ? » on m’a montré la fumée.

Voilà comment j’ai su ce qu’il était advenu d’elle.

[Témoignage d’Ernest Koenig, rescapé d’Auschwitz]

KOENIG: Il m’a fallu longtemps pour commencer à comprendre que nous étions condamnés à mourir – que tous les Juifs étaient condamnés à mourir.

NARRATEUR: Ceux que les SS jugeaient incapables de travailler étaient tués, souvent dans les 2 ou 3 heures suivant leur arrivée.

Ceux qui pouvaient travailler étaient utilisés pour le travail forcé dans des conditions atroces.

Quand ils ne pouvaient plus travailler, eux aussi étaient mis à mort.

Dans plusieurs lieux de mise à mort exclusivement conçus pour tuer des êtres humains à une échelle industrielle, les autorités du camp utilisaient un gaz toxique pour assassiner des enfants, des femmes et des hommes.

Dans ces centres de mise à mort, presque la moitié des victimes de la Shoah ont trouvé la mort.

Les camps de Majdanek et d’Auschwitz ont été les premiers à être libérés avec l’arrivée des troupes soviétiques en Pologne.

La nouvelle de la libération de Majdanek à l’été 1944 a été accueillie avec incrédulité.

Le New York Herald Tribune écrivait « Peut-être devrions-nous attendre confirmation… Ceci paraît inconcevable. »

En avril 1945, les troupes américaines en Allemagne et en Autriche découvrirent des camps de concentration à Buchenwald, Dachau, Nordhausen, Mauthausen et Ohrdruf.

Les soldats ont vu les camps de leurs propres yeux et la vérité était indéniable.

Le Général Dwight Eisenhower, Commandant en chef des forces alliées de libération, écrivait: « Les choses que j’ai vues défient toute description… Les preuves visuelles et le témoignage verbal de la famine, de cruauté et de bestialité étaient… accablantes… »

Dans les salles de cinéma américain, les spectateurs qui voyaient les actualités devenaient à leur tour des milliers de temoins.

Aux dires d’un commentateur : « Aux générations futures il faudra dire:

« Il fut un temps où l’homme fit ceci à ses frères. Il y eut au vingtième siècle une civilisation qui, pendant douze ans, retourna à la barbarie. »

Le choc se répandit dans les camps à mesure que les soldats de la libération tentaient de saisir ce qu’ils avaient découvert.  

[Camp de Bergen-Belsen Libéré par les troupes Britanniques]

Les soldats faisaient tout leur possible pour s’occuper des morts et prendre soin les vivants.

Ceux qui avaient survécu étaient confrontés à la longue tâche de recouvrer leur dignité et de retourner – en quelque sorte – à la vie.

La Shoah a obscurci la vue que le monde se faisait de l’humanité et de notre avenir. Alors que le monde luttait pour comprendre ce qui s'était passé, il a fallu un terme nouveau, génocide, pour ces crimes – des crimes commis par des gens ordinaires issus d’une société nullement différente de la nôtre.

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