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En quoi consistent les atrocités de masse ?

« Leçons de leadership : comment la justice pénale aborde la prévention des atrocités de masse »

Durée: 13 minutes

Cette vidéo introduit les quatre types d’atrocités de masse (les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, les génocides et le nettoyage ethnique) et discute l’importance de la prévention des atrocités de masse. 

Cette vidéo est disponible en anglais avec des sous-titres en français.

Transcript

- [Narrateur] Le terme générique d’« atrocités de masse » définit des violences perpétrées à grande échelle, souvent de manière systématique, contre des civils et d’autres catégories de non-combattants.

- [Scott Straus] Elles peuvent prendre différentes formes : le meurtre, l’esclavage, le viol ou le déplacement forcé de populations. Donc, lorsque l’on parle d’atrocités de masse, on fait référence à l’un de ces quatre crimes que sont le génocide, le crime contre l’humanité, le crime de guerre et le nettoyage ethnique.

- [Narrateur] La Shoah désigne la persécution et l'extermination systématiques et cautionnées par État de 6 millions de Juifs perpétrées par le régime allemand nazi et sescollaborateurs entre 1933 et 1945. La Shoah a changé la perception des crimes systématiques de grande ampleur commis contre des civils.

Conjuguées aux promesses alliées de liberté au cours de la Seconde Guerre mondiale, les leçons de la Shoah ont poussé la communauté internationale à faire des droits humains l’un des piliers d’un nouveau cadre juridique international. Cet engagement se retrouve dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et certains traités internationaux.

En 2005, l’Assemblée générale de l’ONU adopte le principe de « responsabilité de protéger » selon lequel les États ont la responsabilité de protéger leur population des atrocités de masse, faute de quoi la communauté internationale devra agir collectivement et prendre les mesures qui s’imposent, conformément à l’engagement de protéger les populations, tel que défini dans la charte des Nations Unies.

On associe en général quatre formes de violences aux atrocités de masse : le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le nettoyage ethnique.

- [Scott Straus] On le sait, ces violences engendrent des traumatismes sur plusieurs générations. Les souffrances physiques et mentales infligées à un grand nombre d’individus vont durer et engendrent souvent d’autres cycles de violences et de déplacements de populations. Autrement dit, ces violences provoquent une gigantesque plaie sociétale, qui peut prendre des générations à cicatriser et qui est fréquemment source d’instabilité.

- [Narrateur] Le terme de « crime contre l’humanité » a évolué au sein du droit coutumier international. En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les premières poursuites ont lieu dans le cadre des procès dits de Nuremberg, où des leaders nazis sont jugés. C’est l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en vigueur depuis 2002, qui en donne la définition la plus récente et la plus communément acceptée.

- [Scott Straus] Le terme de « crime contre l’humanité » désigne essentiellement les attaques systématiques ou généralisées contre des civils. Il s’agit d’un ensemble de règles visant à protéger les personnes qui ne prennent pas part au combat contre la violence, la torture, le meurtre et la privation de soins médicaux.

- [Narrateur] En novembre 2021, le United States Holocaust Memorial Museum a publié un rapport faisant état des crimes contre l’humanité commis par le gouvernement chinois contre les Ouïghours. Au moment du montage de ce film, les spécialistes de la question continuent à débattre pour déterminer si les crimes perpétrés en République populaire de Chine contre les Ouïghours et d’autres minorités religieuses constituent ou pas un génocide. - [Gulchehra Hoja] Dans un premier temps, nous, journalistes, avons été les premiers à révéler cette situation au monde entier. Parce que nous avons grandi dans cette langue en région ouïghoure, nous étions au courant de ce qu’il s’y passait et de la politique mise en place là-bas, nous pouvions donc savoir plus facilement ce qu’il se passait dans ces camps. Nous avions alors estimé à 1,8 million le nombre de personnes qui s’y trouvaient. C’est en 2018 que nous avons commencé à faire part de cette estimation. Mais on sait que ces camps continuent à s’agrandir, que des gens continuent à être arrêtés. Nous pensons donc qu’aujourd’hui ce nombre est en fait bien plus élevé.

- [Narrateur] Par définition, les crimes de guerre sont commis durant des conflits armés. Ils représentent une violation du droit de la guerre et, en droit international, donnent lieu à une responsabilité pénale individuelle, notamment en cas de meurtre délibéré de civils, de torture, de transfert ou de déportation illégaux, de meurtre délibéré de prisonniers de guerre, de destruction gratuite de propriété (non justifiée par une nécessité militaire), de perfidie, ou de prise d’otage. Depuis le début du conflit syrien en 2011, le régime de Bachar El-Assad a commis d’innombrables atrocités, notamment des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Elles se caractérisent par l’usage d’armes chimiques, le meurtre, la torture, la violence sexuelle, les disparitions forcées et la perpétration d’autres actes inhumains.

- [Dr. Mohamed Sahloul] Toutes les quelques heures, de nouvelles victimes sont touchées par des barils d’explosifs ou des frappes aériennes, et il faut alors les prendre en charge. Je vois des enfants qui montrent le ciel du doigt, et alors on distingue un point tout là-haut, c’est l’hélicoptère, et puis on entend son bourdonnement. Ensuite, ce point lâche un autre point. Cet autre point, c’est un baril d’explosifs, un énorme baril bourré de TNT et d’éclats d’obus, qui est lancé sur les populations. C’est une arme de destruction massive. Elle peut détruire tout un pâté de maisons. Et tout ce qu’on peut faire en tant que civil, quant on la voit arriver, c’est prier et courir ou bien aller se cacher.

- [Narrateur] Le terme de « génocide » a été inventé par un avocat polonais de confession juive, Raphael Lemkin. En 1933, il était déjà en quête d’un nouveau mot permettant de garantir une protection juridique à certains groupes représentant des minorités ethniques, religieuses et sociales. Le 9 décembre 1948, l’ONU a approuvé un traité international, la Convention pour la prévention et la répression du génocide. L’Assemblée générale y déclare que le génocide constitue un crime international. Au total, 152 États l’ont ratifiée ou y ont adhéré.

- [Scott Straus] En droit international, le génocide se définit par des actes commis dans intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. D’autre part, deux éléments s’avèrent particulièrement importants dans la définition du génocide : ce sont des groupes qui sont ciblés, et ils le sont avec l’intention d’être anéantis.

- [Narrateur] Le soir du 6 avril 1994, un missile sol-air abat l’avion qui transporte le président rwandais Juvenal Habyarimana, un Hutu, lors de son atterrissage à Kigali, capitale du Rwanda. Le président du Burundi, Cyprien Ntaryamira, présent à bord, meurt également. Au lendemain de l’attentat, les leaders extrémistes de la majorité hutue rwandaise lancent une campagne d’extermination de la minorité tutsie et de tout leader hutu modéré susceptible de les en empêcher. Selon les experts, entre 500 000 et 1 million de Tutsis auraient été massacrés entre avril et juillet 1994. Ce massacre constitue le génocide le plus documenté depuis la Shoah. De nombreux Hutus modérés ont également été tués au cours de cette période.

- [Norah Bagarinka] Quand nous sommes arrivés au barrage routier, j’ai découvert que c’était mon jardinier qui commandait le barrage. On nous ordonnait, « les Tutsis de ce côté », « les Hutus de ce côté ». Si vous savez que vous êtes Tutsi, c’est par ici, si vous savez que vous être Hutu, c’est par là. Alors, je me suis demandée, « et moi, je dois me considérer comme quoi ? Puisque je suis mariée à un Hutu, c’est peut-être ce côté qui compte et j’ai le droit d’aller par là ». Mais dès que j’ai pris cette direction, un des gars du barrage m’a prise à part et m’a dit « eh, toi, tu n’as rien à faire là, si tu es son épouse, c’est de ce côté ! » Alors on m’a poussée vers ce côté et ils sont arrivés vers moi avec leurs machettes.

- [Narrateur] Le nettoyage ethnique n’a pas de définition en droit international et n’est pas défini en tant que crime international. Néanmoins, de nombreux juristes le considèrent comme une forme d’atrocité de masse. Le nettoyage ethnique désigne en général le déplacement forcé d’un groupe ethnique dans le but de changer la composition ethnique du territoire dont il en est chassé. Au début des années 1990, au cours du conflit qui a suivi le démembrement de l’ex-Yougoslavie, un « nettoyage ethnique » a eu lieu. En 1993, à l’inauguration du US Holocaust Memorial Museum, Elie Wiesel, rescapé de la Shoah, a tenu à s’adresser au président Bill Clinton pour lui demander de mettre un terme au bain de sang.

- [Elie Wiesel] Monsieur le Président, il faut vraiment que je vous dise quelque chose. L’automne dernier, je me suis rendu en ex-Yougoslavie. Depuis, ce que j’ai vu làbas m’empêche de dormir. Nous devons absolument faire quelque chose pour mettre un terme au bain de sang qui frappe ce pays.

- [Narrateur] Cependant, deux ans après qu’Elie Wiesel ait prononcé ces paroles, à l’été 1995, les forces serbes bosniaques exécutent au moins 8 000 hommes bosniaques musulmans à Srebrenica. Il s’agit du massacre le plus important à avoir eu lieu sur le continent européen depuis la Shoah. Par la suite, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a déclaré que ce massacre constituait un génocide.

- [Dr. Eric Dachy] Les Serbes allaient prendre la ville. Ils étaient sur le point d’entrer et agissaient comme partout ailleurs, c’est-à-dire qu’ils assassinaient les hommes en âge de combattre, violaient des femmes et renvoyaient tous les autres – vieillards, femmes et enfants – en territoire bosniaque. En tant que médecins, il était clair que nous ne pouvions pas faire grand-chose. En Bosnie, les gens n’avaient pas besoin de nous. De sécurité, oui. De protection, oui. Et d’être à l’abri des tueurs, voilà ce dont ils avaient besoin.

- [Narrateur] Aussi importantes que soient les définitions, nous ne pouvons pas laisser les débats sur des distinguos juridiques nous détourner de l’obligation urgente que constituent la prévention et la nécessité d’agir immédiatement dès lors qu’il existe un risque d’atrocités de masse. C’est le défi qui se présente à la communauté internationale et à chacun d’entre nous : reconnaître les risques et les signes précurseurs d’atrocités de masse et intervenir afin d’empêcher ou de stopper les atrocités, afin d’éviter la survenue d’immenses souffrances et de leurs conséquences.

- [Omer Ismail] Quand la question du génocide a été posée et que les débats, voire les disputes, faisaient rage pour se mettre d’accord sur des mots, je disais aux gens : « Écoutez, moi, je suis du Darfour. On a un vrai problème ici. Je vous en prie, ne réduisez pas la souffrance de mon peuple à des questions de terminologie. » Si vous pensez que c’est bien un génocide, j’engage tout le monde à agir comme si c’en était un, à intervenir comme on le ferait lors d’un génocide. Si vous pensez qu’il s’agit d’un crime contre l’humanité, alors agissez en conséquence aussi.

Si vous pensez qu’il ne s’agit que d’une guerre civile, ce que certains se plaisent à expliquer, agissez selon— Si quelqu’un pense qu’il s’agit d’une bagarre de rue, soit, appelez les urgences et laissez la police s’en occuper. Mais ne restez pas en marge, à vous disputer pour savoir s’il s’agit d’un génocide ou non. Agissez ! Il faut agir selon ses convictions aujourd’hui, sans plus attendre.

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