Avant de débarquer, les passagers durent remplir des questionnaires que les représentants du gouvernement et des organismes d’aide humanitaire utilisèrent pour décider de leur destination. On leur demanda les noms d’amis et de parents en Grande-Bretagne, en France, en Belgique et aux Pays-Bas, ainsi que des renseignements sur leur demande de visa américain et les numéros de quota qui leur permettraient d’entrer aux États-Unis. Les réfugiés ne se voyaient accorder qu’un asile temporaire ; ils devaient accepter d’émigrer vers une autre destination de manière définitive. L’hypothèse était qu’ils partiraient dès que leur numéro de quota américain serait appelé ou qu’ils trouveraient un autre lieu où aller. Les gouvernements, préoccupés par la vague de réfugiés du Reich, déclarèrent que le traitement accordé aux ex-passagers devait être considéré comme une exception et ne constituait en aucun cas un précédent pour les autres réfugiés fuyant l’Allemagne.
Les passagers devant se rendre en la Belgique débarquèrent les premiers et prirent un train spécial pour Bruxelles où ils passèrent la nuit. Ceux qui n’avaient pas de famille en ville furent conduits dans un centre de réfugiés dans la province de Liège.
Les passagers devant se rendre Pays-Bas embarquèrent le jour suivant à bord du Jan van Arkel. À leur arrivée à Rotterdam, ils furent conduits dans un centre provisoire pour réfugiés où ils restèrent jusqu’à ce qu’ils trouvent un logement ou qu’ils soient dirigés vers d’autres camps de réfugiés.
Les passagers désignés pour émigrer en France et en l’Angleterre montèrent à bord d’un cargo qui avait été réparé pour les accueillir. Le bateau arriva le 20 juin à Boulogne-sur-Mer, où certains débarquèrent. Le lendemain, ceux-ci furent envoyés au Mans, à Laval et dans d’autres villes. Le JDC prit des dispositions pour qu’environ 60 enfants soient pris en charge par l’Œuvre de Secours aux Enfants, une organisation juive d’aide aux enfants. Ils furent placés dans plusieurs maisons à Montmorency, au nord de Paris. Les enfants vivant à Montmorency accueillirent ces nouveaux arrivants avec des chansons et des bonbons. « Oubliez le passé », disaient-ils, « et suivez-nous vers un avenir meilleur ».
Le 21 juin, ceux destinés à l’Angleterre arrivèrent à Southampton et furent conduits par train spécial à Londres. Là, le Comité d’Aide juif allemand trouva un logement pour ceux qui ne résidaient pas dans leur famille ou chez des amis. La plupart des personnes furent envoyées dans des familles ou des hôtels, mais près de 50 hommes célibataires furent transférés dans un ancien camp de l’armée britannique, dans le Kent, que le gouvernement avait alloué au Conseil des Juifs allemands à l’usage des réfugiés.
Les ex-passagers durent affronter l’incertitude et les privations financières. Lors de leur départ d’Allemagne, ils avaient été systématiquement dépossédés de leurs biens par les nazis. Il leur était interdit de travailler. Par conséquent, les ex-passagers étaient totalement dépendants de parents et des organismes juifs d’entraide. Afin d’éviter qu’ils soient dépendants de l’aide de l’Etat, le JDC consentit à allouer 500 000 $—une partie conséquente de ses fonds—pour pourvoir à leurs besoins.
La plupart des ex-passagers avaient espéré trouver un foyer permanent, essentiellement aux États-Unis. Les 734 inscrits sur les listes d’attente pour les visas américains attendirent patiemment que leur numéro soit appelé (la majorité de ceux qui retraversèrent l’Atlantique ne le furent pas avant 1945). D’autres tentèrent d’obtenir des visas d’entrée auprès des consulats étrangers, mais peu de pays étaient prêts à accepter des immigrants sans ressources. Le Livre Blanc publié en 1939 par le gouvernement britannique rendit les choses plus compliquées encore puisqu’il limitait considérablement l’immigration en Palestine. Le déclenchement de la guère en septembre 1939 mit un terme aux possibilités d’émigration.